La Nuit transfigurée
Dans le cadre de l'édition 2011 de la Folle Journée, Véronique Sauger (les Contes du Jour et de la Nuit), productrice sur France Musique, a lancé un Appel à Écriture sur le lien entre la musique et la poésie :
Écrire, et/ou dessiner, un poème (forme libre) contenant tous les mots suivants : NUIT, LUNE, FROID, SCÈNE, ENFANT, PEUR. Chaque fragment poétique ou poème comportera au maximum 19 lignes.
 
 
 
 
 
 
 
La Nuit transfigurée de Schoenberg
Schoenberg n'a pas encore 25 ans quand, à l'été 1899, il rencontre Mathilde Zemlinsky qu'il épousera plus tard. C'est pour elle que, en moins de trois semaines, il compose sa « Nuit Transfigurée ». La pièce est basée sur un poème de Richard Dehmel, extrait de son recueil « La femme et le monde ». Le texte décrit une promenade nocturne d'un couple amoureux dont la femme avoue qu'elle attend un enfant d'un autre. Son amant insiste sur l'importance de sa maternité et lui assure qu'il est disposé à faire sien cet enfant. Ils marchent heureux, sous la lune, dans cette nuit transfigurée. L'œuvre, très romantique, est écrite pour sextuor à cordes (deux violons, deux altos, deux violoncelles).
 
 
 
 
 
Extrait « la Femme et le Monde »
 
Deux êtres vont par le bois nu et froid ;
la lune les suit, ils la regardent.
La lune saute les chênes hauts.
Pas un nuage ne trouble la clarté
où montent les flèches noires.
La voix d'une femme parle :
Je porte un enfant, et pas de toi,
je marche dans le péché à côté de toi.
J'ai fauté gravement contre moi.
Je ne croyais plus au bonheur
et pourtant je désirais ardemment
une vie remplie, le bonheur d'être mère
et le devoir : alors j'ai osé,
je me suis donnée frissonnante
à l'étreinte d'un homme étranger
et m'en suis encore félicitée.
Voilà que la vie s'est vengée :
Voilà que je t'ai rencontré, toi.
Elle va d'un pas maladroit.
Elle lève les yeux ; la lune suit.
Son regard sombre se noie dans la lumière.
La voix d'un homme parle :
L'enfant que tu as conçu,
qu'il ne pèse pas sur ton âme
vois comme l'espace brille clair !
Il y a un halo autour de toute chose,
tu vogues avec moi sur une mer froide,
mais une chaleur particulière vacille
de toi en moi, de moi en toi.
C'est elle qui transfigurera l'enfant,
tu l'enfanteras pour moi, de moi :
tu as mis en moi cet éclat,
c'est moi-même que tu as rendu enfant.
Il la saisit par ses fortes hanches.
Leur souffle s'embrasse dans les airs.
Deux êtres vont par la nuit haute et claire
 
Richard DEHMEL
10 avril 2011
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