Verdun 1916
Témoignage du soldat Henri NICOLLE |
C'est la course à la mort. Cela éclate partout, devant, derrière. Des camarades tombent.
Plus vite, plus vite ! Nous franchissons des morts et des blessés. La forêt n'a plus un arbre intact ;
des tronçons çà et là restent debout ; le sol est un chaos de pierres où gisent grenades, munitions,
armes, capotes, corps inanimés, corps pantelants. Encore des blessés parmi nos compagnons.
Nous courons comme des fous. Un éclat traverse mon sac. On se rapproche du tunnel de Tavannes.
Soudain, un obus éclate «dans nous», nous enlevant dans le souffle ; la grande flamme rouge balaie nos visages ;
on n'a rien ! c'est du miracle. Etre dans la flamme et n'avoir rien...
On court, on tombe, on se traîne : voici le tunnel, on entre... Mon Dieu !...
Je tombe à terre et sanglote nerveusement.
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Témoignage du soldat A. DELISSE : |
Nous montons pour la première fois en première ligne. Nous allons à la file indienne, tête baissée.
Soudain, devant nous éclate un furieux tir de barrage ; à gauche, à droite et derrière nous,
les obus de l'artillerie ennemie tombent avec fracas.
Nous sommes enveloppés d'un immense cercle de feu et rien pour nous en préserver
car nous nous trouvons sur le plateau de Fleury. Dans la nuit, enserrés dans ce cercle de flammes,
parmi les vrombissements des éclairs meurtriers qui déchirent l'air de leurs griffes acérées,
la peur nous broie les entrailles, le souffle nous manque, le cœur nous bat à grands coups précipités.
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Témoignage du soldat E. BARRIAU : |
Journée du 15 mars 1916, attaque allemande sur la rive gauche.
Nous montons au bois de la Caillette.
Détail poignant, je ne serais pas capable de dire quelle unité nous avons relevée,
car je n'ai vu d'hommes vivants que ceux de ma compagnie.
C'est à Verdun qu'on relève les morts.
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Témoignage de J.-P., lieutenant au 95e R.I. |
Nuit du 25 février 1916, prise du fort de Douaumont par les Allemands.
Vous devez tenir coûte que coûte, ne reculer à aucun prix et vous faire tuer jusqu'au dernier
plutôt que de céder un pouce de terrain.
Comme ça, disent les hommes, on est fixé. C'est la deuxième nuit que nous allons passer sans sommeil.
En même temps que l'obscurité, le froid tombe. Nos pieds sont des blocs de glace.
Encore avons-nous la chance, à la compagnie, que notre tranchée soit à peu près sèche.
Des hommes du 1er bataillon occupent, à notre droite, une tranchée étroite où ils ont
de l'eau jusqu'à mi-jambes : L'eau gelait autour de nos jambes, devait me dire plus tard l'un de ces hommes,
Giraud, et chaque fois que nous voulions lever le pied, il nous fallait briser une enveloppe de glace.
Les hommes qui n'ont pas à monter la garde s'assoient dans la tranchée tapissée de boue et
y dorment d'un sommeil lourd, la toile de tente rabattue par-dessus la tête.
Je n'ai jamais, je le crois bien, éprouvé l'amertume de la guerre autant que cette nuit-là.
La faim, la soif, le froid, l'insomnie, l'incertitude...
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