Heureux qui comme Ulysse

 
D'un vanneur de blé aux vents
 
A vous, troupe légère,
Qui d'aile passagère
Par le monde volez,
Et d'un sifflant murmure
L'ombrageuse verdure
Doucement ébranlez,
 
J'offre ces violettes,
Ces lis et ces fleurettes,
Et ces roses ici,
Ces vermeillettes roses,
Tout fraîchement écloses,
Et ces oeillets aussi.
 
De votre douce haleine
Éventez cette plaine,
Éventez ce séjour,
Cependant que j'ahanne
A mon blé que je vanne
A la chaleur du jour.
 
Joachim DU BELLAY
Le Temps a laissé son manteau
 
Le temps a laissé son manteau
De vent, de froidure et de pluie
Et s'est vêtu de broderie,
De soleil luisant, clair et beau.
 
Il n'y a bête ni oiseau,
Qu'en son jargon ne chante ou crie :
« Le temps a laissé son manteau ! »
De vent, de froidure et de pluie
 
Rivière, fontaine et ruisseau
Portent en livrée jolie,
Gouttes d'argent, d'orfèvrerie,
Chacun s'habille de nouveau
Le temps a laissé son manteau
 
Charles d'Orléans (1394-1465)
 
 
 
dame_licorne
 
Tapisserie de la Dame à la Licorne
 
 
 
Heureux qui, comme Ulysse
 
Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !
 
Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m'est une province, et beaucoup davantage ?
 
Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux,
Que des palais Romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine :
 
Plus mon Loir gaulois, que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,
Et plus que l'air marin la doulceur angevine.
 
Joachim DU BELLAY (1522-1560)
 
 
Accueil
26 mars 2011